Homélie Vigiles Pascale 2022 – Collégiale de Briançon
Excusez-moi… heu… surtout ne faites pas attention à moi ; je vous prie de m’excuser de vous avoir dérangé ; je ne fais que passer…
Nous sommes effectivement de passage sur cette terre, et tant de réalités nous le rappellent en permanence : de passage dans cette vie, de passage par les frontières d’un pays, de passage dans la vie de celles et ceux qui nous entourent…
Et nous associons à juste titre le terme de passage, à celui de Pâques.
Un passage : cela ne va pas de soi… Nous venons de réentendre ce grand passage biblique où Moïse serviteur de son peuple, fut l’instrument déterminant dans l’œuvre du Seigneur délivrant Israël de l’esclavage, le conduisant en terre promise, le délivrant de toute forme de mal, lui évitant la mort certaine.
Excusez du peu… mais lorsque Dieu se charge de quelque chose, il ne fait pas que passer…
Il existe dans les chants liturgiques un superbe cantique s’intitulant « Le Seigneur passe » : ses paroles nous rappellent avec quelle détermination le Seigneur trace la route de la Vie, mais aussi avec quelle délicatesse il emprunte le chemin de sa Création, sans la détruire, mais en l’acheminant, en l’accompagnant dans sa divine dignité.
Nous avons suivi Dieu en ces jours saints ; nous avons contemplé comment Jésus aura affronté l’adversité et « l’adversaire », avec l’assurance de sa Foi indéfectible en son Père. Jésus est passé, mais non pas en s’excusant et en ne voulant rien déranger ; il est passé au cœur de l’humanité en y inscrivant sa marque de Confiance, d’Espérance et d’Amour, la marque de la Vie la plus heureuse et la plus humaine qui soit !
Faut-il s’étonner alors de la présence des catéchumènes Prescilla et Athénaïs ce soir au cœur de notre célébration ? Le Seigneur passe dans leur vie ; leurs cœurs en sont touchés, et elles se mettent en route, jour après jour !
Quelles transformations cela provoque dans leurs existences ? A elles de le dire.
Quels chemins vont-elles à leur tour tracer dans la nouveauté de cette vie illuminée par la lumière du Ressuscité ? A elles de le donner à voir.
Une chose est certaine : lorsque Dieu passe dans nos vies, Il écrit avec chacune et chacun une page nouvelle ; il inspire et expire en nous une Création nouvelle !
C’est à partir de la glaise que le Seigneur créa Adam et Ève ; c’est à partir de notre chair aujourd’hui qu’il fait une œuvre inédite.
Lorsque Jésus ressuscite, c’est l’humanité tout entière qui redécouvre son souffle divin ; lorsque le Christ jaillit du tombeau, c’est l’humanité accablée par la mort, par les destructions de guerres fratricides, qui se remet à espérer.
Le Seigneur passe de la mort à la vie encore aujourd’hui ; et son passage éveille des cœurs, des oreilles, des intelligences, des êtres tout disposés et joyeux de s’aventurer, avec Lui, dans ce passage.
Votre présence, notre présence à tous en cette nuit en est un signe : heureusement que, si nous sommes ici ce soir tous ensemble, c’est bien que nous croyons en ce possible avec Dieu :
Cette Espérance qui soulève le monde,
Cette Espérance qui fait lever la pâte,
Cette Espérance qui fait que beaucoup peuvent relever la tête et choisir avec courage la justice, la paix, le pardon, plutôt que de succomber à toutes ces médiocrités qui conduisent à la mort : celles du mensonge, de la trahison, celles du mépris de l’autre, de soi-même et de Dieu, celles de la peur que l’on entretient sciemment afin de mieux avilir son prochain.
Ce qui est certain, c’est que lorsque le Seigneur passe, il fait œuvre de vie, de joie et de consolation. Et ses disciples ne peuvent pas ne pas œuvrer de la même façon !
Un chrétien, qui plus est un nouveau ou une nouvelle baptisée, ne peut pas « passer en s’excusant, sans vouloir déranger » : le sillon qu’il ou qu’elle est appelée à tracer est celui de plus d’amour, de plus de vérité, de compassion, de bienveillance, de justice : voilà ce qui doit déranger notre humanité et notre société d’aujourd’hui.
Athénaïs, Prescillia, vous allez être marquées en cette nuit du sceau de cette puissance aimante de Dieu : vous passez « de la nuit de la mort », à la lumière d’une existence renouvelée ; vous saurez semaine après semaine, vous nourrir du pain de cette Vie bienfaisante qui est à votre portée.
Vous avez bien sûr compris que le chemin du chrétien n’est pas de tout repos, tout comme celui de tant de frères et sœurs en ce monde ; et que les aspérités, les drames de la condition humaine ne vous épargneront pas ; mais bien au contraire, au cœur de ce qui crucifie l’humanité, se tient tout l’enjeu de cet Amour infini venant sauver le monde : c’est là que les disciples de Jésus sont attendus.
Nous voici en cette nuit Pascale, tous ensemble, renouvelés par ce Passage du Seigneur en nos vies.
Que cette Pâques ravive en chacune et chacun cette joie profonde des ressuscités, qu’elle nous emplisse de l’Esprit qui nous pousse à travailler à l’avènement du monde nouveau, selon le Cœur de Dieu.
Jean-Michel Bardet, prêtre.